Thierry Metz, poète, maçon, manoeuvre et chômeur (1956-1997)

«Le vrai travail ­peut-être­ est de simplifier. De dire le moins possible mais d'écouter beaucoup. Ne rien emporter le matin, ne pas s'alourdir. Être graine pour revenir feuillage le soir.»
«Ecrire un poème, c'est comme être seul dans une rue si étroite qu'on ne pourrait croiser que son ombre.»
—Thierry Metz, poète, maçon, manoeuvre et chômeur  ((1956-1997)

Thierry Metz un de mes frères talentueux et malheureux en poésie. Du fond de mes entrailles je sais son existence prolétaire Je fus très jeune, facteur à La Rochelle et plus tard saisonnier, manoeuvre, maçon, tailleur de pierres en Grèce et plus tard en Angleterre, cuisinier et plongeur,  manoeuvre de jour comme de nuit, saisonnier, peintre en bâtiment, jardinier paysagiste (expérimenté et diplômé à l'âge de 33 ans), psychologue (école reichienne), vendeur de trucs et de machins étranges, décorateur au noir, livreur à Paris, passeur et diseur de poésie, migrant dans des pays liberticides, ivrogne à Berlin, beatnik à New York, travailleur sans dieu ni maître, écolier de la vie, compagnon engagé des luttes perdues d'avance, herboriste amateur mais efficace refusant d”être rémunéré, tireur de tarot de Marseille pour remettre sur pied quelques désespéré (e)s, envouteur et griot en Afrique du Nord, glandeur par dégoût de toutes les formes d'arrivisme consacrées par notre société mécréantes, libertaire à l'esprit ouvert, mystique réfugié dans les forêts du Luxembourg et des Alpes-Maritimes, vagabond et pèlerin par vocation et goût de la liberté, disciple dissident du Bouddha souriant dont je reçus l'enseignement ultime sur le pic des Vautours.  poète en passant et revuiste en désespoir de cause, piéton insatiable dans quelques mégapoles de ce monde en voie de dissolution, guerrier toujours, amoureux pour l'éternité. La liste est loin d'être complète...  J'entendais bien s'inscrire en mon coeur les mots d'amour de Thierry Metz et sa rage paisible de vaincre la douleur physique que procure l'exercice de travaux pénibles, à la limite de l'esclavage souvent puisque le salaire d'un ouvrier est tellement misérable. Mais il restait  sourd à ma révolte sans concession contre les profiteurs de main d'oeuvre corvéable et jetable à merci qui n'ont cessé de l'exploiter, et lui, le gentil trouvère qui ne désirait que la tranquillité de rêver et d'aimer à son aise la belle au bois dormant, a du déchanter devant l'insensibilité et l'indifférence compatissantes de ses pairs en poésie dont les égards mondains lui auront fait en définitive plus de mal que de bien (un poète ouvrier, avec des mains calleuses qui accepte sa condition sans broncher! Voilà de quoi estomaquer le bourgeois!). Il s'est flingué à l'âge de 41 ans alors que les portes de la reconnaissance des seigneurs de la poésie lui étaient grande ouvertes. Il ne s'est jamais remis de la mort accidentelle de son fils Vincent âgé de huit ans, fauché par une voiture, le 20 mai 1988, jour même de l'obtention du prix Voronca) qui fut pour lui un drame inguérissable auquel il a tenté de remédier par l'alcool, jusqu'à la solution finale, le suicide.
«Je ne regarde plus, je n'écoute plus - je vais simplement me cacher au centre de ce qui se passe.»
Thierry Metz fit deux séjours de désintoxication, dans un hôpital psychiatrique, l’année précédant son suicide. Alcoolique, il ne désirait rien tant que de « redevenir un homme d’eau et de thé » … .
André Chenet
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Citations et extraits de poèmes de Thierry Metz:
« Je ne vis qu’en ce que j’ai à écrire. Ou, différé par mon silence : habiter. Là où je ne resterai pas.
Quelques pas hors de moi. »
«À l'arrêt des musiques
Quelques corbeaux bâillent
Et descendent en boitant
Sur une neige impossible
Qui se saigne à mourir
De n'avoir plus le temps
le temps d'enfiler le long
manteau des mimes.»
« Et dès que je suis seul
comme ici
je m’étoile.
Je couve.
Je découvre une voix qui n’a pas dormi.
Est-ce une voix de pure perte ?
Un autre pas vers rien ?
Si le souci d’y tenir m’affolait je ne resterais pas. Je dormirais dans le foin. Je trouverais ma nuit dans le coquelicot. Ma litière.
Non.
J’écris pour recommencer. »
« Je marche avec ça, suivant le sol et le ciel. Pris par le temps.
C’est presque ici qu’il faudrait mourir. Parmi la Cène. Entre donner et recevoir.
Du pain
de l’eau
un baiser
n’être plus porté que par cela
d’aimer
de lier son écriture ses restes
à cet autre
à ce passant »
« Un avril d'oiseaux s'éveille dans les arbres. Qui sait où je vais? Pas un nuage, seulement le chemin de castine puis le bois. Je rôde par là vers rien. Dans cette lumière qui me cherche comme une ombre. Seule, agaçante, une abeille me tourne autour. Mais chacun des mes pas compose un chemin.
Ce n'est que moi. Né d'une fougère.
Promeneur sans bâton.
Toujours lui, jamais le même. Une branche, peut-être de l'indiscernable. »
« Tu viens me rejoindre. Tu es là. Je t'aime.
Tu m'apportes quelques beignets dans une assiette. Du cidre. On parle un peu. On a le temps aujourd'hui. Qui pourrait venir ? Et moi je n'ai as à m'absenter...
Te regarder.
T’écouter.
C’est tout.
Tu vois : nous sommes pauvres.
Tu es l’aile que l’ange envie dans sa ténèbre. »
Thierry Metz.